dimanche 6 novembre 2011

D'après Jacques Prévert

Elle dit non avec la tête                                                  
Mais elle dit oui avec le coeur
Elle dit oui à ce(lui) qu'elle aime
Elle dit non à l'examinateur
Elle est assise
On la questionne
Et toutes les exceptions sont posées
Soudain le fou rire la prend
Et elle valide tout
Les flèches et les panneaux
Les règles et les signaux
Les phrases et les pièges
Et malgré les menaces de l'examinateur
Sous les huées des futurs conducteurs
Avec des craies de toutes les couleurs
Sur l'écran des photos de malheur
Elle raye les panneaux indicateurs.

D'après Jacques Prévert.

samedi 15 octobre 2011

Minuit au cinéma



Il est minuit, tout s'arrête ?

Oh non ! Au contraire. Fanfan a valsé toute la soirée. Elle imagine qu'elle hait ce petit Corse, qu'un capitaine défend sa vertu discutable. C'est l'heure d'un nouveau jour pas comme les autres, d'une heure neuve, d'une heure surprise, d'une heure qui recommence. On suspend l'habitude à un fil, on se positionne amoureusement entre le oui et le non, pour se séduire d'un peut-être.

Il est minuit, entre le Bien et le Mal ?

Certes, a-t-il dit. C'est l'heure où le jardin est frais et humide, presque saisissable. On y aperçoit une gouvernante, qui se demande bien pourquoi son auteur l'a laissé espérer qu'elle pourrait épouser le maître du domaine. Le coeur crevé, la gorge nouée, elle masque derrière sa silhouette noire l'amertume de cette soirée.

Il est minuit, l'heure du crime ?

John sort du cinéma, armé. Il aime bien quand le film raconte un peu sa vie sous les traits de Gable. La sienne de vie, s'écroule ce soir d'un coup. Cible atteinte. Ecran noir. Billie n'ira plus au cinéma, elle. Enroulée dans une fourrure démodée, elle regagne son vestiaire et écrase le rimmel laissé sur son mouchoir. 

Il est minuit, l'heure de Cendrillon ?

Les gouvernantes du XXIème, elles, répètent sur leurs lèvres closes les répliques, elles les murmurent, elles, ces chapelets de mots romanesques. Mais en vrai, elles observent, depuis leurs fenêtres, le jardin, silencieux et désert. Finalement, ce sont les gouvernantes qui ont de la chance. Elles peuvent encore aller au cinéma. Elles peuvent encore attendre l'Être aimé et guetter l'horloge jusqu'au douzième nombre.

Il est minuit, l'heure...où tout commence.

lundi 10 octobre 2011

L'homme du téléphone

Je m'appelle Madame Roussette. J'ai 75 ans et depuis ma fenêtre qui donne sur la montée du Chemin-Neuf, j'aime bien observer les passants. Ils sont un peu mon théâtre. Depuis quelques semaines, j'attends la nuit, car un personnage de roman a investi le champ, a pris la scène. Il m'amuse, ce jeune homme. Dans son manteau noir, on dirait mon cher époux, quand il rentrait de son bureau de comptable.

Mais mon p'tit jeune homme, là, il ne doit pas avoir de portable, c'est bizarre à notre époque... M'enfin, toujours est-il qu'il utilise chaque soir, la nuit tombée, cette vieille cabine cassée, aux vitres fêlées. Au début, je croyais qu'il appelait sa maman, mais à la réflexion, je me suis dit que non... Il sourit trop fort quand il dit Allô, qu'il parle d'écharpes ou de pompons... Il reste trop longtemps, deux heures souvent. Et il galope dans cette montée, comme si sa vie dépendait du driiing ancestral du poste téléphonique.

Quand je l'observe, je bois ma tisane, bien au chaud. Je remarque ses doigts rouges, ses pieds trempés. Parfois un chat vient le voir, et il s'accroupit. Il ne lâche pas son combiné, ni la voix du bout du fil. Téléphone rouge, rouge passion ? Quand il neige, il raconte qu'il aime l'hiver. 

Il semble parti loin, haut, quand il tient le combiné bleu en plastique, et pourtant il colle au décor. Un soir, il a fini son paquet de cigarettes, mon homme du téléphone. Il rougissait, le pauvre, de froid et de coeur. Il pianotait, parfois je tentais de deviner quel morceau de Chopin il jouait. 

Et puis un jour, plus d'homme téléphone, plus de rendez-vous quotidien. Il a du acheter un portable. Et puis c'est l'été, il ne doit plus porter de manteau noir, maintenant. 

Je me demande bien s'il a fini par épouser son interlocutrice. 

jeudi 1 septembre 2011

J'ai invité le bourdon et le cafard s'est incrusté

Une chanson de Bénabar dans la tête, dont les paroles me font rire pour empêcher les larmes. Moi aussi je lis des périodiques divers, et j'ai envie d'être l'hiver. Masquée dans un manteau long et gris. J'ai pas compris. Ce matin, j'avais dressé une liste, j'avais établi un ordre des choses, chassé la poussière et pourtant. Le temps ne s'égrène pas. J'attends le soir, car la journée est mon ennemie. Il suffit d'un dernier mot, semblable à 40 autres, pour dresser un état des lieux. 

Comment ça je suis comme un renard dans son terrier ? 'Veux pas entendre : "Bon et alors toi quoi de neuf ? - Oh bah tu sais pas grand-chose..." et gâcher ce Baile'ys. Peu à peu les habitudes prises se déprisent, et "Comment ça 17 heures je suis pas bien habillée et je mange des céréales ?", "Mais aujourd'hui j'ai lutté contre ma procrastination pourtant, j'ai fini...Rien." 

Il pleut dans la ville comme il pleure sur mon carreau et j'ai même le temps de compter les gouttes. Aujourd'hui, j'ai inventé une histoire avec la plinthe qui rencontre la fissure de mon papier peint. Depuis ils s'aiment d'un amour tendre mais le papier est un peu collant.

Ne pas trop s'éloigner de la couette, penser qu'en se relevant pour la quinzième fois aujourd'hui, on va (res)sentir l'odeur du petit-déjeuner et croire que c'est une nouvelle journée. Rêver d'une vieille machine à écrire, vouloir placer S.P.L.E.E.N. au Scrabble, renouer avec les chansons tristes. Charles Baudelaire. 



J'ai chassé le téléphone et la philanthropie, congédié l'efficacité et le miroir aux alouettes, renvoyé l'agenda qui est parti avec la liste des essentiels et l'horloge. Le calendrier l'a suivi de près. J'ai gardé l'impromptu, le stylo plume et le miel. Le chocolat. J'ai invité le bourdon pour partager le miel chaud. Mais le cafard s'est incrusté et la nuit s'en est trouvée irrémédiablement salie. Le stylo plume s'est endormi dans le carnet. 

Et plus aucun mot n'est venu crever le silence gris.


lundi 16 mai 2011

Midnight with Woody

Allez, avouez. Si vous êtes passé à Paris ou y avez vécu, vous avez médité ou rêvé de vous immiscer un instant dans le Paris d'une autre époque. Si vous avez fait un Bac L, que vous avez étreint le Folio n°37*, vous savez qu'André Breton a associé l'Amour à Paris, ce film est pour vous !

Gil (Owen Wilson, petit clone de Mister Woody tant par les mimiques que par le bafouillement) est un écrivain en devenir, pris entre sa fiancée (Rachelle MacAdams) et son mariage à venir, et son impossible nostalgie de s'installer dans le Paris des années 20, Âge d'Or de la création littéraire et artistique. Un soir, aux douze coups de minuit, le voilà transporté à la table d'Ernest Hemingway et Francis Scott Fitzgerald...!


Même quand il fait du mineur, Woody s'en sort avec les honneurs. Ce New-Yorkais amoureux de Paris nous livre SA capitale sur fond de cartes postales, de lieux magiques et de jazz en bord de Seine. Une image d'Epinal certes, mais revisitée avec fraîcheur et humour, même si la réalisation n'est pas originale**. Les dialogues sont savoureux, parfois piquants, toujours délicieux. Wilson, l'acteur comique-gras américain surprend dans ce rôle d'écrivain fantasque. Ensuite il y a la blonde fatale Inez-Rachel, la brune piquante Adriana-Marion Cotillard, et une foule d'acteurs qui tiennent bien leur rôle, même cette chère Carla, et une bonne surprise au casting...! J'ai aussi bien aimé le personnage de Paul, le pédant expert en tout (surtout en narcissisme).

Pour le reste, Woody Allen a regardé sa bibliothèque personnelle, son Panthéon littéraire, et l'a envoyé dans un café parisien. Adrian Brody en Dali, Hemingway, Francis Scott Fitzgerald et Zelda, Picasso... C'est le Paris d'avant le surréalisme qui fourmille, qui bruisse de papier et d'inspiration, qui crée et qui aime, qui danse et qui se quitte, au soleil ou sous la pluie, à midi mais surtout à minuit...! Je ne suis pas Parisienne, ni forcément attachée à cette ville, mais croiser la boutique Shakespeare du 5e, le quai des Grands Augustins, les bouquinistes... sous la pluie, c'est romantique à souhait, n'est-ce pas Mademoiselle qui vend des vinyles de Cole Porter ?

Les Américains, avec leur accent si délicieux quand il parlent français, les références culturelles, quelques peu hermétiques si l'on ne les connaît pas, la petite morale de simplicité, le mystère qui plane sur le destin de Gil - dont on devine sans savoir l'aboutissement, qu'il est bon écrivain -, tout cela me donne terriblement envie d'aller causer un brin avec Aragon de son ami Aurélien, sous la pluie. Ou bien de me demander qui de Rose ou Camille fut l'épouse de Rodin.

* Petit jeu, cherchez quel est le titre de ce Folio.
** Vous pouvez aussi manquer les cinq premières minutes, qui ne sont que des vues diapos de Paris. Mais comme le film est court, vous risquez de rester sur votre faim.

lundi 7 février 2011

La Princesse aux mille soupirants

Enfin, je l'ai lue, cette Princesse de Montpensier ! Des mois que son Folio prenait le soleil sur mon radiateur... Laissez-moi vous en livrer mes impressions, avec en regard le film de Bertrand Tavernier.

L'oeuvre de Madame de Lafayette est très "ramassée" : en quelques pages, l'auteur nous fait voir un enchaînement d'actions, de sentiments qui conduisent à la fin fatale de l'héroïne. Il y a très peu de discours direct, ce qui rend le tout très distant, voire froid. On ne s'attache pas aux personnages, et Madame de Lafayette donne le sentiment d'écrire une morale pour adultes, avec une fin assassine, mais aussi une formidable observation des moeurs de son époque avec une précision digne d'une gaziettière de Renaudot. C'est finalement très beau et très bien écrit. J'ai hâte d'entamer les pérégrinations d'une autre princesse. Si vous savez, la favorite de notre Président...



Le film est très fidèle à l'oeuvre, si ce n'est qu'il a rajouté quelques séquences : notamment des scènes de guerre où l'on voit les héros mâles s'affronter pour les catholiques ou les huguenots. L'actrice qui incarne (bien en chair en plus, cette Mélanie Thierry) Marie de Mézières/de Montpensier est très féminine et l'on comprend pourquoi le tourbillon de princes et d'hommes tombe sous son charme. Les déclarations enflammées s'enchaînent au même rythme effréné que dans le livre, et cela nous permet de nous retrouver dans le même tourbillon que l'héroïne, prise entre mille feux... Si au début elle résiste aux assauts, une question de choix dans certaines circonstances la conduit à commettre l'irréparable, causant ainsi sa propre perte et la mort d'un homme. La fin est moins sombre dans le film, mais tout aussi sinistre : il y a une forme de renoncement au monde, à une vie endeuillée.

Les dialogues sont réjouissants, très élégants, même dans la colère ou la révolte, dans la peine. On peut cependant noter que les acteurs ne sont pas toujours à l'aise et les répliques sonnent parfois comme plaquées dans la bouche des personnages. Les acteurs jouent bien, voire très bien, et tiennent bien leur place. La princesse de Montpensier, dont on ne peut pas reprocher son visage très XXIème siècle, a une jolie palette d'émotions sur son visage rosi.

Il y a un jeu très intéressant autour des toilettes de la Princesse de Montpensier qui reflètent ses humeurs, ses états d'âme et ses émotions : la robe rose lorsqu'elle suscite la déclaration de Chabanes, le noir et la sobriété en fin de film... Tavernier a travaillé cette petite touche et cela rajoute à la délicatesse de son film.

Les personnages connaissent des tourments que l'on n'endure que peu à notre époque. Ils incarnent des vertus et des codes d'honneur qui n'ont plus cours aujourd'hui. Cependant, au tout début, Tavernier donne à son héroïne une forme de rebellion face au mariage arrangé. Une attitude que n'a pas la princesse de papier : le récit la rend passive. Elle n'est dans aucun cas, maîtresse de son choix : premier acte dont les effets auront de funestes conséquences. En cela, auteur et réalisateur se rejoignent.

NB : Ici, un autre avis. Mais vous devez préférer le mien.

vendredi 7 janvier 2011

God save the King

Voilà, c'est fini. Après foule de décapitations et de jugements sommaires, après un schisme, après six mariages et un ulcère, Henry VIII d'Angleterre (et de France, pour les traîtres) est mort. Les Tudors s'arrêtent sur une dernière musique. Le temps pour moi de vous parler de cette fabuleuse série qui m'a appris pas mal de choses sur une période jusque-là méconnue.



Les acteurs/personnages : Henry VIII/Jonathan Rhys-Meyers est impeccable. Il joue très bien le salopard de roy arbitraire, qui change d'épouse et de secrétaire pour un yes ou pour un no. Son vieillissement dans la série reste crédible. Il passe du roy fougueux au monarque désabusé sans problème. Une métamorphose dont l'acteur avait déjà fait la prouesse en interprétant un autre King, Elvis Presley. Il est très légendé (respectueux de ses épouses, ahem) et très érotisé, mais ça passe. Ahem. Bref.

Les épouses d'Henry ne sont pas toutes interprétées avec la même nuance : Natalie Dormer/Anne Boleyn est la plus marquante, elle imprime la série tout comme son mariage a changé le cours des choses en Angleterre. Ca a quand même foutu un sacré bordel chez nos insulaires enne...préférés. Elle joue très bien l'ambitieuse tout en gardant le petit côté légendaire attachant. Du coup, on l'aime quand même. Pauvre Catherine d'Aragon. Vient ensuite Jane Seymour, calme et seule apte à donner un héritier au roy. Elle en meurt. Son passage furtif est très émouvant. La séquence où le roy porte son deuil permet d'augmenter le cours du mouchoir de Cholet. Ensuite, ce sont Catherine Howard l'inconsciente, la prude Anne de Clèves puis Catherine Parr qui accompagnent le déclin de Sa Majesté : une adolescente inconstante, une Allemande et enfin une autre British qui évite de peu l'arrestation/coupage de tête pour trahison. Joss Stone en Anne de Clèves et Joely Richardson (Nip/Tuck) en Cath' Parr sont bien.

Parmi les autres personnages, j'ai mes chouchous : Mary Tudor, la superbelle qui deviendra reine, très bien interprétée, le duc de Suffolk, très touchant, surtout à la fin de la série, Thomas More, Robert Aske, Eustache Chapuys, l'ambassadeur de Charles Quint... Il y a en plus des guests, notamment Peter O'Toole en Pape opposé au remariage d'Henry avec Anne Boleyn.

Les costumes/décors/musiques : rien à dire. Je ne suis pas spécialiste, mais c'est très convaincant, très beau à voir. Les robes des épouses d'Henry sont toujours très belles. Le générique, à chaque saison, attire énormément le spectateur. Et enfin, mention spéciale à la musique, écoutable en boucle sur Deezer, assez géniale et très cinématographique. On en redemandera.

Et l'Histoire dans tout ça ? Ben le must, c'est qu'elle n'est pas trop écornée ! Hormis le personnage de Henry VIII, le reste est assez fidèle. J'avais des pages ouvertes à chaque nouvelle information pendant les épisodes et ça collait à la vérité. J'ai du coup appris pas mal de choses au sujet de cette période et me suis lancée dans un livre sur Henry VIII. En moins beau. Et euh, ça fait moins pleurer quand il meurt. Les scénaristes ont su jouer entre l'Histoire et mettre beaucoup de romanesque, ce qui donne en tout un savant dosage qu'il ne me reste plus qu'à vous conseiller !

NB : un film sur Elisabeth (Tudor) 1ère d'Angleterre, la fille d'Henry, dont le règne dura 44 ans, a été tourné avec Cate Blanchett, Elisabeth. Deux soeurs pour un roi raconte les liaisons d'Henry avec Mary et Anne Boleyn. Cette dernière a fait l'objet de poèmes, pièces, et sa légende : celle de la Reine qui meurt pour son Roy, en fait l'un des personnages marquants de l'Histoire britannique. Tout comme Henry VIII et Elisabeth.