samedi 18 février 2012

Le mystère féminin




Le téléphone portable.

Un range-téléphone portable.

Un appareil photo.

Une boîte.

Une boîte.

Une boîte.

Des tickets de caisse froissés.

Des tickets de cinéma, parce que les images au dos sont jolies.

Des allumettes, car la petite boîte est belle.

Le parapluie en papier du dernier verre bu avec Monsieur.

Une montre.

Trois stylos, un qui fonctionne.

Un carnet avec des plans, un carnet pour écrire, un carnet pour faire des listes. Aucun de terminé.

Un plan de métro parisien. Elle habite Caen. 

Un test de parfum qui se vide dans le sac.

Des mouchoirs qui peuvent toujours servir, un briquet qui ne sert jamais, un rouge à lèvres qui sert tout le temps.

Un foulard en boule.

Des cachets pour la tête et des granules pour le stress.

Un dizainier qui se mélange avec les trois jeux de clés.

Un agenda avec cartes de fidélité, multipliées par 50, cumulant en tout 7890 points divers permettant de remporter un abonnement à Coiffure Magazine. 

Un porte-monnaie, pour les petites pièces, et un portefeuille pour la carte bleue. 

La carte de visite du dernier restaurant visité. Oui on reviendra on réservera. On n'est jamais revenue.

Des lunettes de soleil assorties au...parapluie, lui-même présent, entortillé autour des oreillettes.

Des...piles. 

Des gants qui commettent un crime et étouffent le carnet de chèques. 

Un livre de Jacques Prévert



mercredi 15 février 2012

Le monde est tout petit lorsque l'Amour est grand

Je l'ai vu. Et je ne m'en remets toujours pas. Quoi donc ? 

There be dragons. 



Des mois que j'attendais ce film, à surveiller chaque page pour avoir une date de sortie qui ne viendra finalement pas en France. Apprendre que le DVD sort en Espagne sans version sous-titrée en espagnol. Pleurer et regarder La cité de la joie

Oui, parce que le réalisateur de There be dragons, c'est Roland Joffé, qui a à son actif The Mission et La cité de la joie. Je me rappelle très bien [séquence souvenirs ON] qu'après avoir vu les aventures du Dr. Max Lowe, du haut de mes 15 ans, je me voyais missionnaire et professeur de dessin en Inde, ou professeur d'anglais - non seulement, c'était irréaliste, mais en plus je suis germaniste [séquence souvenirs OFF]. J'avais lu le livre de Dominique Lapierre. Ici, on retrouve donc la patte de Joffé : un destin individuel fort, à un moment charnière de sa vie, face à un choix crucial. Le tout pris dans une Histoire collective prégnante, bouleversante. Max Lowe a ainsi traversé la misère des bidonvilles indiens, le courage et les faiblesses de chaque homme de cette cité. Le tout porté par une musique de Maurice Jarre extrêmement belle. 

Pour There be dragons, Joffé reprend le même mécanisme. Il narre le parcours d'un fils à la recherche d'indices sur la vie de Saint Josemaria Escriva de Balaguer, le fondateur de l'Opus Dei. Le fils en question écrit au moment où le prêtre espagnol va être béatifié par Jean-Paul II (pour rappel : 2002, 300 000 personnes place Saint-Pierre). Il découvre le passé de son père pendant la guerre civile espagnole. L'homme a eu un parcours diamétralement opposé au Saint. Mais l'image du Padre n'a jamais été loin de sa vie. Là aussi, une musique très belle habille très bien les images. 

Joffé est fidèle aux thèmes qui lui sont chers : la lutte contre ses propres démons, les choix de vie, le courage, le pardon qui libère, face aux bouleversements et aux violences de l'Histoire. Il fonctionne en séquences bouleversantes, comme dans La cité de la joie : des passages forts, qui marquent et se succèdent. J'ai particulièrement aimé le passage qui reprend les marques de pas dans la neige, départ de la vocation de Josemaria. Frappant aussi la scène d'exécution d'un abbé par les communistes espagnols. Le reste du temps, on ne se repose pas, on réfléchit. Si on a la Foi, on a envie d'être en prière, on est édifié. Mais la grande force des films de Joffé, c'est qu'il n'impose pas la Foi, il laisse l'être libre : le père de Roberto, Max Lowe. Mais la figure qui aime et qui croit n'est jamais loin. Comment ne pas penser à Mère Teresa en Inde, ou à ce que deviendra l'Opus Dei par la suite ? La porte est ouverte...

Le film est aussi un beau portrait de prêtre, celui tant décrié du fondateur de l'Opus Dei, prélature personnelle mal comprise dans et en-dehors de l'Eglise. Le film n'a pas le tapage du Da Vinci Code (qui se fourre le doigt dans l'oeil jusqu'au coude avec l'invention du moine de l'Opus : y'en n'a pas dans l'Oeuvre), mais il montre la figure de Saint Josemaria de façon fidèle : les pas dans la neige, la scène de sa naissance au Ciel, la vie des premiers membres... J'aime aussi beaucoup le personnage d'Aline, une femme pleine d'amour.

Certes, There be dragons n'a pas marché, n'a pas eu de producteurs partout dans le monde. Mais tant pis. Il montre aussi ce que le cinéma a de plus beau, de plus édifiant. Ça fait du bien. La technique de réalisation est on ne peut plus classique, la musique probablement pas édifiante sur le plan technique, mais l'épopée vaut son pesant d'humanité promise à la sainteté. [mode mauvaise foi ON] J'suis sûre que c'est parce qu'un film qui dit la vérité, ça plaît pas, ça remet les choses en place sur le rôle de l'Opus Dei pendant la montée de Franco au pouvoir [mode mauvaise foi OFF].

Depuis, j'écoute la bande-originale musicale en boucle. 

Depuis, Chemin. Depuis, Au pas de Dieu. (Je vous laisse fouiller un peu, les amis...)

Pour conclure de façon digne cet article, je ne prends pas l'audace du mot de la fin, je la laisse à Oscar Wilde qui est cité en début de film : "Les Saints ont un passé, les pêcheurs un avenir".