Enfin, je l'ai lue, cette Princesse de Montpensier ! Des mois que son Folio prenait le soleil sur mon radiateur... Laissez-moi vous en livrer mes impressions, avec en regard le film de Bertrand Tavernier.
L'oeuvre de Madame de Lafayette est très "ramassée" : en quelques pages, l'auteur nous fait voir un enchaînement d'actions, de sentiments qui conduisent à la fin fatale de l'héroïne. Il y a très peu de discours direct, ce qui rend le tout très distant, voire froid. On ne s'attache pas aux personnages, et Madame de Lafayette donne le sentiment d'écrire une morale pour adultes, avec une fin assassine, mais aussi une formidable observation des moeurs de son époque avec une précision digne d'une gaziettière de Renaudot. C'est finalement très beau et très bien écrit. J'ai hâte d'entamer les pérégrinations d'une autre princesse. Si vous savez, la favorite de notre Président...
Le film est très fidèle à l'oeuvre, si ce n'est qu'il a rajouté quelques séquences : notamment des scènes de guerre où l'on voit les héros mâles s'affronter pour les catholiques ou les huguenots. L'actrice qui incarne (bien en chair en plus, cette Mélanie Thierry) Marie de Mézières/de Montpensier est très féminine et l'on comprend pourquoi le tourbillon de princes et d'hommes tombe sous son charme. Les déclarations enflammées s'enchaînent au même rythme effréné que dans le livre, et cela nous permet de nous retrouver dans le même tourbillon que l'héroïne, prise entre mille feux... Si au début elle résiste aux assauts, une question de choix dans certaines circonstances la conduit à commettre l'irréparable, causant ainsi sa propre perte et la mort d'un homme. La fin est moins sombre dans le film, mais tout aussi sinistre : il y a une forme de renoncement au monde, à une vie endeuillée.
Les dialogues sont réjouissants, très élégants, même dans la colère ou la révolte, dans la peine. On peut cependant noter que les acteurs ne sont pas toujours à l'aise et les répliques sonnent parfois comme plaquées dans la bouche des personnages. Les acteurs jouent bien, voire très bien, et tiennent bien leur place. La princesse de Montpensier, dont on ne peut pas reprocher son visage très XXIème siècle, a une jolie palette d'émotions sur son visage rosi.
Il y a un jeu très intéressant autour des toilettes de la Princesse de Montpensier qui reflètent ses humeurs, ses états d'âme et ses émotions : la robe rose lorsqu'elle suscite la déclaration de Chabanes, le noir et la sobriété en fin de film... Tavernier a travaillé cette petite touche et cela rajoute à la délicatesse de son film.
Les personnages connaissent des tourments que l'on n'endure que peu à notre époque. Ils incarnent des vertus et des codes d'honneur qui n'ont plus cours aujourd'hui. Cependant, au tout début, Tavernier donne à son héroïne une forme de rebellion face au mariage arrangé. Une attitude que n'a pas la princesse de papier : le récit la rend passive. Elle n'est dans aucun cas, maîtresse de son choix : premier acte dont les effets auront de funestes conséquences. En cela, auteur et réalisateur se rejoignent.
NB : Ici, un autre avis. Mais vous devez préférer le mien.
Merci pour votre recension du film, toute en intelligente empathie : aussi féminine que son personnage principal, aussi élégante que ses dialogues, aussi chaleureuse que les âtres de ses nombreux châteaux.
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