mardi 24 avril 2012

Puisque je pars en voyage...


Ne me cherchez pas près du chocolat, je n'y serai pas. Ne laissez pas de message, ma voix n'est pas au bout du téléphone. Je ne répondrai pas à vos lettres.

La crème du gâteau m'écoeure et mon coeur s'écrème. 

Quand vous lirez ce mot, je serai dans cet avion, ou dans ce train, je ne sais pas. Je ne sais pas quel terminal m'accueillera, ni quel café de gare me tendra sa chaise. 

Je ne sais pas encore où je me rends, mais je me rends. J'y vais, c'est parti. 

Ne m'aimez plus, je n'existe plus.

Je n'ai pris aucune valise, je n'ai pris aucune attache et j'ai abandonné toutes mes photographies. Je serai inconnue, flottante dans quelque nouvelle capitale, étrangère au bruit de la ville.

Quand vous lirez ce texte, j'aurai fui toutes mes irresponsabilités, je n'aurai rien pris sur moi. Pas de passeport. 

Ne cherchez jamais à me joindre. 

Je ne reviendrai que lorsque je serai abreuvée de ce que je ne vis ni ne vois ici. 


lundi 5 mars 2012

Conte pour soir triste...

Il était une fois, comme des milliers d'autres fois...

Une chambre à la française. Un chevalier un peu jeune qui n'avait pas encore gagné beaucoup de  combats mais qui composait, dit-on, comme personne, tomba un jour amoureux d'une poupée de porcelaine aux vêtements chiffonnés. Elle rougissait perpétuellement, et ne faisait que se casser quelque chose. 

Depuis l'aventure de la bergère et du ramoneur, les jouets ne regardaient plus que les éternels amants désormais réunis, et notre pauvre chevalier et notre petite poupée étaient posés par terre et ils n'étaient plus les jouets favoris de Michael et Jane. 

Un jour, ils profitèrent de la sortie de la nurse pour s'enfuir. Personne ne remarqua qu'ils étaient partis. Le chevalier ne gagna jamais de combats, et la poupée eut les poignets brisés. Il n'eut pas le temps de guerroyer. Elle ne songea pas à se soigner. Ils passèrent toutes leurs heures de jouets à s'aimer comme peuvent s'aimer des jouets qui ne sont pas la bergère et le ramoneur. 

Cachés dans la valise en carton au fond d'un hangar, ils disparurent du monde. Son armure leur servit de toit et la blancheur de son teint illumina leurs nuits.

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samedi 18 février 2012

Le mystère féminin




Le téléphone portable.

Un range-téléphone portable.

Un appareil photo.

Une boîte.

Une boîte.

Une boîte.

Des tickets de caisse froissés.

Des tickets de cinéma, parce que les images au dos sont jolies.

Des allumettes, car la petite boîte est belle.

Le parapluie en papier du dernier verre bu avec Monsieur.

Une montre.

Trois stylos, un qui fonctionne.

Un carnet avec des plans, un carnet pour écrire, un carnet pour faire des listes. Aucun de terminé.

Un plan de métro parisien. Elle habite Caen. 

Un test de parfum qui se vide dans le sac.

Des mouchoirs qui peuvent toujours servir, un briquet qui ne sert jamais, un rouge à lèvres qui sert tout le temps.

Un foulard en boule.

Des cachets pour la tête et des granules pour le stress.

Un dizainier qui se mélange avec les trois jeux de clés.

Un agenda avec cartes de fidélité, multipliées par 50, cumulant en tout 7890 points divers permettant de remporter un abonnement à Coiffure Magazine. 

Un porte-monnaie, pour les petites pièces, et un portefeuille pour la carte bleue. 

La carte de visite du dernier restaurant visité. Oui on reviendra on réservera. On n'est jamais revenue.

Des lunettes de soleil assorties au...parapluie, lui-même présent, entortillé autour des oreillettes.

Des...piles. 

Des gants qui commettent un crime et étouffent le carnet de chèques. 

Un livre de Jacques Prévert



mercredi 15 février 2012

Le monde est tout petit lorsque l'Amour est grand

Je l'ai vu. Et je ne m'en remets toujours pas. Quoi donc ? 

There be dragons. 



Des mois que j'attendais ce film, à surveiller chaque page pour avoir une date de sortie qui ne viendra finalement pas en France. Apprendre que le DVD sort en Espagne sans version sous-titrée en espagnol. Pleurer et regarder La cité de la joie

Oui, parce que le réalisateur de There be dragons, c'est Roland Joffé, qui a à son actif The Mission et La cité de la joie. Je me rappelle très bien [séquence souvenirs ON] qu'après avoir vu les aventures du Dr. Max Lowe, du haut de mes 15 ans, je me voyais missionnaire et professeur de dessin en Inde, ou professeur d'anglais - non seulement, c'était irréaliste, mais en plus je suis germaniste [séquence souvenirs OFF]. J'avais lu le livre de Dominique Lapierre. Ici, on retrouve donc la patte de Joffé : un destin individuel fort, à un moment charnière de sa vie, face à un choix crucial. Le tout pris dans une Histoire collective prégnante, bouleversante. Max Lowe a ainsi traversé la misère des bidonvilles indiens, le courage et les faiblesses de chaque homme de cette cité. Le tout porté par une musique de Maurice Jarre extrêmement belle. 

Pour There be dragons, Joffé reprend le même mécanisme. Il narre le parcours d'un fils à la recherche d'indices sur la vie de Saint Josemaria Escriva de Balaguer, le fondateur de l'Opus Dei. Le fils en question écrit au moment où le prêtre espagnol va être béatifié par Jean-Paul II (pour rappel : 2002, 300 000 personnes place Saint-Pierre). Il découvre le passé de son père pendant la guerre civile espagnole. L'homme a eu un parcours diamétralement opposé au Saint. Mais l'image du Padre n'a jamais été loin de sa vie. Là aussi, une musique très belle habille très bien les images. 

Joffé est fidèle aux thèmes qui lui sont chers : la lutte contre ses propres démons, les choix de vie, le courage, le pardon qui libère, face aux bouleversements et aux violences de l'Histoire. Il fonctionne en séquences bouleversantes, comme dans La cité de la joie : des passages forts, qui marquent et se succèdent. J'ai particulièrement aimé le passage qui reprend les marques de pas dans la neige, départ de la vocation de Josemaria. Frappant aussi la scène d'exécution d'un abbé par les communistes espagnols. Le reste du temps, on ne se repose pas, on réfléchit. Si on a la Foi, on a envie d'être en prière, on est édifié. Mais la grande force des films de Joffé, c'est qu'il n'impose pas la Foi, il laisse l'être libre : le père de Roberto, Max Lowe. Mais la figure qui aime et qui croit n'est jamais loin. Comment ne pas penser à Mère Teresa en Inde, ou à ce que deviendra l'Opus Dei par la suite ? La porte est ouverte...

Le film est aussi un beau portrait de prêtre, celui tant décrié du fondateur de l'Opus Dei, prélature personnelle mal comprise dans et en-dehors de l'Eglise. Le film n'a pas le tapage du Da Vinci Code (qui se fourre le doigt dans l'oeil jusqu'au coude avec l'invention du moine de l'Opus : y'en n'a pas dans l'Oeuvre), mais il montre la figure de Saint Josemaria de façon fidèle : les pas dans la neige, la scène de sa naissance au Ciel, la vie des premiers membres... J'aime aussi beaucoup le personnage d'Aline, une femme pleine d'amour.

Certes, There be dragons n'a pas marché, n'a pas eu de producteurs partout dans le monde. Mais tant pis. Il montre aussi ce que le cinéma a de plus beau, de plus édifiant. Ça fait du bien. La technique de réalisation est on ne peut plus classique, la musique probablement pas édifiante sur le plan technique, mais l'épopée vaut son pesant d'humanité promise à la sainteté. [mode mauvaise foi ON] J'suis sûre que c'est parce qu'un film qui dit la vérité, ça plaît pas, ça remet les choses en place sur le rôle de l'Opus Dei pendant la montée de Franco au pouvoir [mode mauvaise foi OFF].

Depuis, j'écoute la bande-originale musicale en boucle. 

Depuis, Chemin. Depuis, Au pas de Dieu. (Je vous laisse fouiller un peu, les amis...)

Pour conclure de façon digne cet article, je ne prends pas l'audace du mot de la fin, je la laisse à Oscar Wilde qui est cité en début de film : "Les Saints ont un passé, les pêcheurs un avenir".



dimanche 6 novembre 2011

D'après Jacques Prévert

Elle dit non avec la tête                                                  
Mais elle dit oui avec le coeur
Elle dit oui à ce(lui) qu'elle aime
Elle dit non à l'examinateur
Elle est assise
On la questionne
Et toutes les exceptions sont posées
Soudain le fou rire la prend
Et elle valide tout
Les flèches et les panneaux
Les règles et les signaux
Les phrases et les pièges
Et malgré les menaces de l'examinateur
Sous les huées des futurs conducteurs
Avec des craies de toutes les couleurs
Sur l'écran des photos de malheur
Elle raye les panneaux indicateurs.

D'après Jacques Prévert.

samedi 15 octobre 2011

Minuit au cinéma



Il est minuit, tout s'arrête ?

Oh non ! Au contraire. Fanfan a valsé toute la soirée. Elle imagine qu'elle hait ce petit Corse, qu'un capitaine défend sa vertu discutable. C'est l'heure d'un nouveau jour pas comme les autres, d'une heure neuve, d'une heure surprise, d'une heure qui recommence. On suspend l'habitude à un fil, on se positionne amoureusement entre le oui et le non, pour se séduire d'un peut-être.

Il est minuit, entre le Bien et le Mal ?

Certes, a-t-il dit. C'est l'heure où le jardin est frais et humide, presque saisissable. On y aperçoit une gouvernante, qui se demande bien pourquoi son auteur l'a laissé espérer qu'elle pourrait épouser le maître du domaine. Le coeur crevé, la gorge nouée, elle masque derrière sa silhouette noire l'amertume de cette soirée.

Il est minuit, l'heure du crime ?

John sort du cinéma, armé. Il aime bien quand le film raconte un peu sa vie sous les traits de Gable. La sienne de vie, s'écroule ce soir d'un coup. Cible atteinte. Ecran noir. Billie n'ira plus au cinéma, elle. Enroulée dans une fourrure démodée, elle regagne son vestiaire et écrase le rimmel laissé sur son mouchoir. 

Il est minuit, l'heure de Cendrillon ?

Les gouvernantes du XXIème, elles, répètent sur leurs lèvres closes les répliques, elles les murmurent, elles, ces chapelets de mots romanesques. Mais en vrai, elles observent, depuis leurs fenêtres, le jardin, silencieux et désert. Finalement, ce sont les gouvernantes qui ont de la chance. Elles peuvent encore aller au cinéma. Elles peuvent encore attendre l'Être aimé et guetter l'horloge jusqu'au douzième nombre.

Il est minuit, l'heure...où tout commence.