lundi 13 décembre 2010

N'est pas Jane Austen qui veut !

Pardon pour les lecteurs. Il va s'agir ici de littérature féminine. Promis, un jour, je me rattraperai. Mais cependant, les lectrices ne vont pas non plus ressortir avec une idée de cadeau ou de lecture pour le coin de la cheminée avec le chocolat chaud.Il est difficile de lire Les caprices de Miss MaryCar ce livre est non seulement mauvais, mais il est en plus médiocre. Pour les fans de Pemberley et autres destinées austeniennes, si vous le lisez, accrochez-vous. Ca fait mal à Jane. Et je vais vous dire pourquoi.


L'intrigue. Après la mort de l'horripilante Madame Bennet, Mary souhaite quitter la tutelle de Fitzy Darcy pour mener sa propre vie. À quarante ans, encore célibataire, elle dévore les chroniques sociales d'Angus, un journaliste qui dénonce les atrocités de l'Angleterre industrialisée. Mary, qui veut gagner sa vie et son indépendance, part sur les routes pour écrire un livre qui dénoncera les conditions de vie des miséreux. Et personne, pas même l'autoritaire Darcy, ne l'empêchera de se réaliser, après avoir vécu dans l'ombre.

L'auteur(e?), c'est Colleen MacCullough. Déjà, ça aurait dû retenir ma lecture. Pour mémoire-ou-info, Colleen nous a quand même commis un best-seller de la littérature-guimauve sur plus de 600 pages, dans les années 80, avec le mythique Les oiseaux se cachent pour mourir. L'histoire d'un prêtre devenu cardinal, quand même amoureux d'une femme portant une robe rose couleur de cendre. Aveu numéro Un : j'ai lu ce pavé, même vu le film. Ahem. Bref, entre Colleen et Jane, malgré le fait qu'elles se retrouvent dans le même rayonnage littérature britannique, y'a un fossé. Colleen écrit mal, à mon goût. Et pour oser faire une suite à Pride and Prejudice (Orgueil et préjugés), 'faut de l'audace. Cela implique de toucher à Saint-Darcy, et de priver les austeniennes de toute imagination d'avenir radieux pour les personnages. En même temps, c'est surfer sur la vague facile janeaustenmaniaque. Facile. Et pourtant, elle a raté. Mais POURQUOI ?

Aveu numéro Deux : je ne suis pas fan de Jane Austen, ni même de son écriture #pastuer, je savoure pourtant les adaptations filmées de ces oeuvres avec joie (et bonne bouffe). Je la trouve terne, et fade par rapport à la richesse de ces personnages, dont la peinture psychologique reste la plus grande réussite. En ce sens, Colleen est mon amie. Aveu numéro Trois : mon favori, c'est Sense ans Sensibility (Raison et sentiments). Ceci étant dit - je suis toujours vivante - Colleen a fait comme Maurice le poisson rouge. Elle dépasse un peu trop les bornes des limites.

Le féminisme austenien dévoyé. Chez Austen, les femmes sont les personnages principaux, et sont dotées de sacrées personnalités, pour la plupart. Cultivées, réfléchies, ironiques, tendres, sottes, gourdes, insupportables, tout y est. Leur féminisme est bien réel : elles se montrent capables (et ne font pas que le revendiquer bêtement) de se distinguer par l'opinion, la personnalité, de leurs (futurs) époux. Une fois ce point évoqué, on observe que ces femmes font le choix de la liberté dans la soumission et l'obéissance à leurs époux (non mais vous voyez Darcy pouponner vous ?!). On aime. Ou pas. Mais il en est ainsi chez Jane Austen. On peut d'ailleurs noter que si cela marche dans ses romans, cela n'a pas "fonctionné" pour elle-même, qui décéda seule et sans époux digne d'elle. Or, chez MacCullough, le féminisme qu'elle confère à son personnage principal, Mary Bennett donc, la soeur de Jane, Lizzy et tutti quanti ne "colle pas". Il est trop empreint de modernité post-époque victorienne. Trop militant. En outre, Mary tranche trop avec l'image que l'on a d'elle dans le livre d'Austen. Si bien que cela n'est pas crédible du tout. Pourtant, il y avait de l'idée à reprendre ce personnage. On voit aussi le même écueil pour les autres soeurs Bennett (accrochez-vous) : Jane en femme trompée, Lizzy en mère au foyer nunuche, non.

Les personnages masculins sont terribles. Darcy est dur, sec, égoïste, ambitieux, négligent, méprisant, mauvais père. Il ne lui reste aucune qualité. Quant à Bingley, c'est un esclavagiste adultère. Colleen prend presque un malin plaisir à détruire ces deux modèles masculins. Darcy surtout en prend pour son grade. Ca fait vraiment mal, un mythe littéraire autant écorné, sans réflexion ou portée littéraire. Mais surtout, cela est incohérent avec l'oeuvre d'origine : Jane Austen a aussi introduit un aspect "roman d'éducation sentimentale". Avec son livre, MacCullough revient dessus et fait de l'ascension morale des personnages un cycle : s'ils reviennent à leur mauvaise nature chez elle, pourquoi ne pas continuer indéfiniment à faire de Fitz une brute épaisse quand il s'unit à son épouse, à faire de Bingley un esclavagiste immoral après leur demande de repentir ? Ainsi, l'influence positive de Lizzy est inexistante. De fait, sa portée littéraire qui l'amenait chez Austen à transformer Darcy en homme bon n'existe plus. Le personnage n'a plus de but fictionnel. Moche. D'autant plus que Mary ne prend qu'une tournure ridicule et grotesque.

L'intrigue (trop) rocambolesque. Du début à la fin, Colleen a fait le choix de l'action à un rythme effréné. Cela tranche trop, là aussi, avec l'accent de l'oeuvre d'origine sur les évolutions psychologiques plus que sur les péripéties. Il arrive à Mary beaucoup trop de choses improbables, peu crédibles, totalement loufoques. Si encore MacCullough avait évolué vers une aventure à la Dickens, on aurait pu voir une double influence très riche. Que nenni. Du début à la fin, les mésaventures de Mary sont peu intéressantes. Mais en plus, on ne parvient pas à compatir avec le personnage (ni même avec les autres en fait). La fin totalement abrupte, ne convainc pas. Bref, là aussi, passez votre chemin. La fin des autres personnages n'est pas non plus totalement satisfaisante.

Cerise sur le gâteau. Il nous le fallait ! Pour finir sur un parfum de scandale, Colleen a fait du seul fils de Darcy un être efféminé, littéraire, poète (clichééé !) que Fitz méprise. Ajoutez à ça un goût pour les détails sans intérêt (les règles de Mary, tout un poème), des scènes sans portée visuelle... J'ai envie d'un Charlotte Brontë pour cet hiver, pas vous ?

PS : , y'a un article positif.

2 commentaires:

  1. Oui, Brontë.

    Merci pour cet article ! Super bien écrit, et je sais que ce n'est pas la peine de l'acheter !

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  2. Je me rappelle que tu m'avais parlé de ce livre, j'ai failli le lire... Ah ben plus maintenant, bêêêh ! On dirait du Telephone remixé, avec Jane à la place de Cendrillon ! Vais me relire un bon Arsène Lupin, moi.

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